Ce jour-là, ce n'était ni un élève, ni un professeur ou autre résidant du château, qui venait frapper à la porte de Dumbledore, mais un de ses vieux amis: Narziss. Cela faisait dix-sept ans, précisément, qu'ils ne s'étaient plus vus. Et pour cause, l'Allemand avait passé toutes ces années dans une cellule, sombre et humide, à Askaban. C'était un meurtrier, et personne n'avait compris son geste, même pas sa femme. Elle avait fini par s'empoisonner à l'arsenic, la pauvre. Narziss, enfermé à l'époque, n'avait pas pu assister à l'enterrement. Il ne savait même pas de quoi son épouse était morte...
Enfin. Il ne venait pas là pour ça, du moins, pas en premier lieu. S'il se tenait là, les cheveux en bataille, le regard sombre et cerné, les joues creusées par un hiver difficile, et dix-sept années sans manger normalement, c'était avant toute chose pour le retrouver lui. Dumbledore. Un ami très cher à son coeur, et sans doute celui sur lequel il pourrait toujours compter. Du moins, l'espérait-il.
D'ailleurs, quelle serait sa réaction, à la vue de Narziss, hein? L'accueillerait-il à bras ouverts, ou le jetterait-il dehors? Inutile de dire que l'Allemand redoutait cela plus que tout. Il avait tout perdu, ou presque. Perdre son amitié, ce coup-là, il ne se pensait pas capable de l'accuser. Cette fois-ci, il tomberait pour de bon...
Arrangeant un peu ses habits d'ex-taulard, sans grand succès d'ailleurs, il frappa quelques coups hésitants à la porte de chêne massif. Son pantalon était un peu trop grand pour lui, à présent, était poussiéreux, tout comme son veston et sa chemise, dont les coudes s'étaient effilochés avec le temps; il se sentait pitoyable.
Albus, lui, afficherait sans doute cette classe qu'il avait toujours montré, des habits flamboyants, une tenue soignée... Ces dix-sept années d'isolement l'avaient-elles donc tant éloigné que ça de la société, de ce qu'il aimait? A en croire le raisonnement qui cheminait dans son esprit, oui. Narziss se sentait en marge, extérieur, interdit à la vie que les autres menaient... Il espérait simplement que son vieil ami lui donne le mot de passe, pour revenir dans cette vie...
Ce serait dur, car beaucoup de choses avaient changées. Sa fille, tout d'abord. Sa chère et tendre fille, qui était morte; son épouse, qui avait fini par la suivre; les meutres qu'il avait perpétrés... et dix-sept ans, dix-sept longues années à devenir un peu plus fou, seul dans une pièce miteuse d'Askaban... Il en avait souffet. D'accord, c'était un homme courageux, tenace, mais là, il avait craqué... c'était comme si, à présent, il lui manquait une partie de lui-même... Il était brisé...